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Être acquéreur en langue et littérature espagnoles

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Acquéreur en espagnol

Une belle journée de septembre 2011, réunion de répartition des secteurs d’acquisition à la bibliothèque Sainte-Barbe :

- Bon alors, parmi les secteurs vacants on a l’espagnol. Hélène ?

- Heu ben c’est-à-dire que j’ai pas fait d’espagnol depuis le lycée…

- Mais ça c’est pas grave, il y a des formations pour ça.

Me voilà donc, toute jeune bibliothécaire adjointe spécialisée fraîche émoulue, hériter, après des études d’anglais, des acquisitions de monographies en langue et littérature espagnoles. Un cadeau empoisonné ? Peut-être pas… Cet article, rédigé deux ans plus tard, alors que je m’apprête à prendre mon envol vers d’autres cieux, se veut à la fois un bilan de mon expérience d’acquéreur et un outil à destination de ceux qui, comme moi, sont amenés à s’occuper des acquisitions dans ce secteur ô combien intéressant mais également parfois complexe qu’est l’espagnol.

Les acquisitions, première approche générale

Être acquéreur, quel que soit le domaine concerné, consiste dans un premier temps à travailler avec des chiffres qui définissent et organisent le travail d’acquisition tout au long de l’année : un volume d’exemplaires, un budget annuel. La politique documentaire et les plans de développement des collections déterminent le niveau des documents à acquérir, en l’occurrence à la bibliothèque Sainte-Barbe des ouvrages prioritairement à destination des étudiants de niveaux licence et master. Dans tous les fonds de langues étrangères présents à la bibliothèque Sainte-Barbe (allemand, anglais, espagnol, italien), les acquisitions se répartissent entre exemplaires en langue originale (40%) et exemplaires en langue française (traductions littéraires ou manuels, 60%). Par ailleurs, le fonds langue et littérature espagnoles ne se limite pas à l’Espagne mais comprend tous les pays de langue espagnole, principalement ceux d’Amérique latine, et également les autres langues parlées en Espagne, à savoir le catalan, le basque, et le galicien. On le constate, les acquisitions dans ce secteur recouvrent une vaste aire tant linguistique que géographique ou culturelle dont il importe de ne négliger aucun aspect. Enfin, acquérir des ouvrages dans d’autres langues que le français suppose deux fournisseurs distincts, mais nous y reviendrons plus tard.

Être acquéreur, quel que soit le domaine concerné, c’est aussi, sans être spécialiste, savoir repérer les auteurs, éditeurs, outils bibliographiques de référence dans son secteur d’acquisition. Le plan de développement des collections, qui fixe les orientations générales des acquisitions et répertorie plusieurs outils de sélection utiles, doit être lu en priorité. En tant que nouvel acquéreur, un travail de détermination de ses propres connaissances et besoins est, en outre, un préalable indispensable.

Acquérir en espagnol : les besoins

¡Holà ! ¿Hablas español?

Acquérir dans une discipline dont près de la moitié du fonds doit être constitué d’ouvrages en langue étrangère peut laisser perplexe, voire franchement inquiet, lorsque la seule langue que l’on maîtrise est le français et que sa dernière tentative de prononcer un mot dans une autre langue remonte à des temps anciens. Toutefois, un acquéreur doit être capable de faire des acquisitions dans n’importe quel domaine ; il n’est pas nécessaire d’en être spécialiste. Pour gérer un fonds de langue et littérature étrangères, il n’est pas non plus besoin d’être bilingue. Certains rudiments restent tout de même indispensables pour être capable, sans comprendre au mot près le contenu d’un livre, d’en déchiffrer l’essentiel. Une formation, envisagée en concertation avec le responsable de la formation des personnels de la bibliothèque, peut alors se révéler utile pour acquérir ou réactiver les connaissances de base. À Paris, plusieurs organismes proposent des cours d’initiation à l’espagnol comme l’Institut Cervantès.

Se familiariser avec la culture littéraire et le paysage éditorial

Les connaissances linguistiques ne suffisent pas à faire un bon acquéreur. Il doit également connaître la culture littéraire des pays hispaniques. Savoir qui sont Cervantès, Sepulveda et Gabriel García Márquez, c’est bien mais un peu léger. Si cerner les besoins des étudiants de la licence au master et l’offre documentaire adaptée concernant la langue espagnole est assez aisé (manuels d’éditeurs français pour la linguistique, la grammaire, le vocabulaire et la traduction), l’offre littéraire est bien plus vaste et demande un travail important pour éviter de se limiter à trois auteurs célèbres.

Certains organismes comme les CRFCB1  proposent des formations et journées d’études pour découvrir la littérature d’un pays ou d’une aire culturelle. On ne saurait trop conseiller à un acquéreur d’y participer. Ces formations étant malheureusement trop peu nombreuses et pas toujours programmées au moment où l’on prend en charge un secteur d’acquisition, le travail de l’acquéreur auquel on succède est capital. Il s’agit pour lui de constituer, au fil de sa pratique, une documentation consacrée au paysage éditorial. On gagne ainsi un temps précieux en ayant toujours une base sur laquelle s’appuyer pour affiner ses connaissances et construire ensuite sa propre méthode, quitte à la compléter par une formation ultérieure. Par ailleurs, les manuels d’initiation à la littérature espagnole et les nombreux articles d’encyclopédie en ligne permettent de découvrir les grands courants (Romancero, roman picaresque…), les prix littéraires (Herralde, Cervantès, Nadal…), les lauréats des Prix Nobel (José Echegaray y Eizaguirre, Pablo Neruda, Camilo José Cela…) ou encore les maisons d’édition majeures (Anagrama, Planeta, Catedra…). On pourra ainsi faire évoluer le corpus des auteurs dont les œuvres doivent être acquises.

Cibler les outils de sélection

On l’a vu, inutile d’être bilingue ou spécialiste de la littérature hispanophone pour être  acquéreur en espagnol. En revanche, il est indispensable de connaître et de maîtriser les outils de repérage et de sélection des documents, généralistes et spécialisés. En voici une liste non exhaustive.

Les outils généralistes :

  • Les « livres de la semaine » de Livres Hebdo (Langues étrangères, Romans étrangers)
  • Electre (recherche avancée par indice Dewey 460 et 860)
  • Catalogues des librairies (catégories Littérature espagnole, Littérature sud-américaine, Langue et livres en VO)
  • Catalogue des éditeurs francophones publiant des traductions d’œuvres hispaniques (Métaillié, MEET)
  • Les presses universitaires proposant des collections dans les domaines hispaniques : Bordeaux, Toulouse le Mirail, Septentrion, Rennes, Saint-Étienne, Perpignan

Les outils spécialisés dans les publications en langue espagnole :

Il faut en outre se tenir informé des manifestations littéraires qui peuvent mettre à l’honneur une ville ou un pays hispanophones comme ce fut le cas en 2012 avec le festival America de Vincennes, consacré cette année-là aux Amériques du Nord et du Sud, ou encore avec le Salon du Livre de Paris 2013 qui a accueilli Barcelone comme ville invitée. En 2014, le Salon mettra l’Argentine à l’honneur. Ces manifestations sont généralement l’occasion de découvrir des auteurs contemporains, plus difficilement identifiables que les grands auteurs classiques.

Les outils de sélection sont nombreux et facilitent le travail d’un acquéreur peu familier des auteurs et publications incontournables. La contrepartie de cette abondance de sources est la nécessité d’une veille importante et régulière afin de rester au fait de l’actualité éditoriale dans ce secteur.

Apprendre à travailler (et composer) avec les fournisseurs

Une offre difficile à cerner

Une fois la sélection de documents effectuée, il s’agit de passer commande. D’autres acteurs entrent alors en scène. Les acquisitions en langue française et en langue espagnole supposent le recours à deux fournisseurs différents. 2012  a été l’année du renouvellement des marchés de livres3 à la bibliothèque Sainte-Barbe : l’Appel du livre est désormais le fournisseur pour les ouvrages de langue française d’édition courante et Dawson pour les ouvrages publiés dans les pays de langues espagnole et catalane.

Les acquisitions des livres en langue française représentent la partie la plus simple du travail et la plus importante en termes de volumes acquis. La consultation régulière de Livres Hebdo, d’Electre et des catalogues des libraires suffit généralement à balayer l’ensemble des publications. En revanche, pour les 40% de volumes restant à acquérir, le travail se complique. Les livres publiés en Espagne et plus encore en Amérique latine sont en effet très difficiles à identifier, d’autant que les pays concernés sont nombreux et que les maisons d’édition y sont souvent peu visibles à l’étranger et ne disposent pas toujours de sites Internet. Lorsqu’on parvient à trouver des ouvrages, les informations bibliographiques sont alors souvent sommaires (titre, auteur, rarement des résumés). Iberbook propose deux outils intéressants et librement accessibles : des catalogues, réactualisés environ tous les trois mois et proposant un classement thématique des ouvrages publiés en Espagne, avec suffisamment d’informations pour évaluer la pertinence d’une acquisition ; des catalogues des livres des autres pays européens, consacrés à l’Espagne et à l’Amérique latine et classés en deux grands domaines (Art et littérature, Histoire). Certains des titres proposés peuvent se révéler indisponibles, mais ces outils facilitent grandement le repérage des publications existantes,  même si beaucoup de ces publications sont de niveau recherche et, partant, peu adaptées au public de la bibliothèque Sainte-Barbe. Le site de Dawson ne propose pas de consultation thématique du catalogue et ne permet que la recherche par ISBN, titre ou auteur. Cela implique donc d’avoir repéré au préalable les titres que l’on souhaite acquérir. Mais même en ayant réussi à sélectionner des titres intéressants, la probabilité que Dawson les possède en stock est mince. On touche ici à une autre difficulté qu’impliquent les acquisitions auprès d’éditeurs ou de fournisseurs étrangers : un faible taux de fourniture des documents.

Le taux de fourniture des documents

La sélection des 140 ouvrages en langue espagnole pertinents pour un public d’étudiants de  licence et master est une tâche ardue. Elle se complique encore quand le fournisseur ne vous livre au compte-goutte qu’une maigre partie des ouvrages commandés, et dans des délais sensiblement plus longs que ceux du fournisseur des ouvrages de langue française. Cela s’explique par le fait que Dawson doit commander la plupart des ouvrages auprès des éditeurs, en Espagne ou en Amérique latine, et que le degré de réactivité de ces derniers peut être variable. À ce jour, pour l’année 2013, le taux de fourniture est de 50%. Les commandes étant soldées au bout de 60 jours, il s’avère souvent nécessaire de commander à plusieurs reprises un même titre, sans aucune certitude de le recevoir un jour et sans explication systématique de cette indisponibilité. Il peut en résulter pour l’acquéreur une certaine frustration, après avoir passé du temps à constituer sa commande, de ne pas voir l’aboutissement de ce travail, mais également une satisfaction réelle quand un colis arrive enfin.

Cadeau empoisonné ou non ?

Quel bilan tirer de ces deux années en tant qu’acquéreur en langue et littérature espagnoles ? Celui d’un travail gourmand en temps, nécessitant de se familiariser avec un univers culturel et linguistique mal connu. Celui d’un travail tributaire de fournisseurs étrangers peinant à livrer les commandes. Mais aussi celui d’un travail intéressant et gratifiant, tant sur un plan professionnel que personnel. Tout le monde ne peut pas se vanter d’enrichir sa culture littéraire tout en travaillant ! Le fonds langue et littérature espagnoles n’est certainement pas le plus aisé à gérer mais c’est aussi ce qui en fait l’intérêt. Et finalement, il se pourrait même qu’il me manque un peu…

  1. Centres régionaux de formation aux carrières des bibliothèques. Il en existe 12 répartis dans toute la France (Médiadix pour l’Île-de-France).
  2. Lire à ce sujet Tisser les relations entre une bibliothèque interuniversitaire et ses universités cocontractantes / Elsa Ferracci
  3. Lire à ce sujet Mutualiser un marché de livres / Emmanuelle Sordet

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